Lorsque Emilie m’a proposé d’intervenir dans sa classe de 4e, j’ai d’abord hésité : qu’avais-je donc à leur apporter ? Retour sur mon premier atelier d’écriture. 

Atelier d’écriture

Je vous en ai régulièrement parlé ces dernières semaines. Sur un cycle de six mercredis, j’ai animé un atelier d’écriture dans la classe de 4e de mon amie Emilie. Une grande première, pour moi. J’ai donc retrouvé le chemin de l’école, avec la même appréhension que pour ma rentrée en 6e.

Avant ma venue, les élèves ont découvert mon roman jeunesse, La vie rêvée de Lily, en classe ; ils ont ensuite préparé une série de questions à me poser. Parfait, cette première rencontre avait pour but nous présenter les uns aux autres. Ce temps d’échange m’a permis de faire connaissance avec eux, et de comprendre (aussi) ce qu’ils attendaient et espéraient de cette expérience.

Objectif confiance

Rapidement, j’ai été frappée – et peinée – par les mots qui sortaient de leur bouche. Je ne sais pas écrire, je n’arriverai jamais à inventer une histoire, je n’ai pas de rêve. Madame, vous avez du talent, mais pas nous. Ma question de départ « qu’ai-je donc à leur apporter » a trouvé sa réponse : de la confiance en eux.

Pour ces élèves de SEGPA, le rapport à l’écrit est souvent compliqué. Les nombreux échanges avec Emilie m’ont permis de prendre conscience que le projet que je leur soumettais représentait un gros défi, pour eux : suivre un projet sur plusieurs semaines, produire un écrit, écouter les conseils, remettre en question leur travail, et accepter de retravailler leur texte à plusieurs reprises. Car au-delà des deux heures chaque mercredi, cet atelier a servi de fil conducteur pour d’autres cours de la semaine.

Écriture décomplexée

L’autre défi, pour moi cette fois-ci, était de les amener à une forme de lâcher-prise. Oui, l’orthographe, la syntaxe, la concordance des temps n’étaient pas toujours correctes. Et alors ? Dans un premier temps, je leur ai demandé de se concentrer sur le fond, et d’oublier la forme. Il serait toujours temps de s’en occuper plus tard. L’objectif, pour moi, était qu’ils prennent plaisir à écrire, conscience qu’ils ont une voix, et les encourager à l’utiliser.

J’ai senti dans les premières feuilles tendues, lors de mes premiers arrêts à leur table, une forme de retenue. Des regards fuyants, et puis ces quelques mots concédés dans un murmure à peine audible : j’ai trop honte. Honte de quoi ? Mon cœur s’est serré.

Ces ados n’osaient pas écrire parce qu’ils avaient peur. Et honte. De mon regard ? De mon jugement ? Je me suis efforcée de les rassurer sur ce point : je n’étais pas là pour me moquer, et encore moins pour les juger.

D’ailleurs, à aucun moment je n’ai corrigé leur texte dans la forme lors du processus d’écriture. Je leur ai expliqué que moi aussi j’enchainais parfois les boulettes dans mes manuscrits. Et que moi aussi, je confiais mes écrits à plusieurs correcteurs professionnels pour les améliorer, et les corriger.

Au bout de quelques séances, je les ai sentis moins timides et les histoires ont commencé à germer.

On a tous des choses à raconter

Ce que j’attendais d’eux, c’est qu’ils me racontent leurs rêves les plus fous. Ou qu’ils partagent une histoire qui leur tenait à cœur. Certains sont partis sur une fiction, d’autres sur un récit de vie, touchant parfois à des sujets très personnels (j’ai préféré ne pas publier ceux-là). Une fois libérés de la contrainte technique, les mots sont sortis et les histoires ont pris forme. 

Quel privilège de les voir s’émanciper de leurs peurs ! Je suis une rêveuse, mais pas naïve. Je n’ai pas la prétention de croire que les quelques heures que j’ai partagées avec eux suffiront à effacer leurs doutes et leur manque de confiance en eux. Mais si cette expérience a planté une petite graine, je nourris l’espoir qu’ils continuent à la faire grandir.

Blufée !

Au terme des séances, j’ai récupéré les textes, bluffée et reconnaissante. Chacun à leur manière, ils ont raconté leurs rêves, leurs espoirs, mais aussi leur vérité. Ces histoires qu’ils ont écrites disent beaucoup de leur lucidité sur le monde qui les entoure. J’ai trouvé beaucoup de tristesse, d’espoirs déçus ; cette désillusion qui transpire de certains récits traduit un ressenti qu’ils n’ont aucun mal à verbaliser : la vie de rêve, les success story, c’est pas pour eux. Oh, bien sûr, ils en rêvent, mais sur la pointe des pieds. Comment le leur reprocher ? J’ai envie de leur dire de rêver beaucoup, et surtout en grand. Ces histoires qu’ils ont écrites sont la preuve qu’ils peuvent réaliser des choses dont ils ne se croyaient pas capables.

Si j’ai retravaillé les textes dans la forme, je suis restée fidèle à leurs histoires, aux scenari qu’ils ont imaginé. Sauf pour H., dont j’ai tué le mari pour une question de rythme. Ne me jetez pas la pierre, nous en avions discuté ensemble lors d’une séance : elle ne m’en veut pas ?.

Bilan ?

Emilie m’a offert le cadeau d’une expérience riche et merveilleuse ; j’ai quitté la classe, et les élèves, avec un petit pincement au cœur et l’espoir qu’ils partagent ce sentiment.

Quelle émotion, donc, de trouver dans ma boîte aux lettres une enveloppe pleine de petits mots qui ne laissent aucune place au doute ! Je vais continuer à écrire. J’ai appris beaucoup de choses. Grâce à toi, j’ai pris confiance en moi. Ces mots sont du miel. Tous ces mots, j’aurais pu les leur écrire aussi. Merci à toi, Emilie, pour l’invitation. Et à vous, chers élèves, pour votre investissement et votre confiance.

N’oubliez pas de boire un peu, et de lire beaucoup !

2 commentaires

  1. Quel bonheur de lire leurs textes !
    Ils ont bcp de chance d’avoir pu réaliser ça avec vous . C’est vraiment super ! Bravo à tous

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